
En Ă©tant rĂ©alistes, nous nâavions que des vĂ©racitĂ©s.
DĂšs lors lui et moi avons dĂ©cidĂ© de nous mentir, de crĂ©er de meilleures authenticitĂ©s falsifiĂ©es dans lesquelles nous pouvions Ă©voluer. Nous les avions Ă©crites sans regret, sans espoir, sans envie, mais avec beaucoup dâoublis dâinsatiabilitĂ©.
Fabuler Ă©tait un plaisir, une joie, une drogue, on le faisait pour nous, pour eux et pour le reste du monde. Notre amour ne se suffisait plus Ă lui-mĂȘme, alors on faisait semblant que le mal Ă©tait un produit et que le bien Ă©tait un mauvais investissement que lâon dĂ©nigrait avec jouissance et faussetĂ© glorifiĂ©es. On mentait aux yeux de tous avec pour seule vision notre regard qui se perdait un peu plus chaque jour dans notre enfouissement perpĂ©tuel que nous faisions sans rĂ©elle comprĂ©hension.
Nous avions profitĂ© lui et moi des joies de lâutopie, de notre idĂ©alisĂ©e fortune sentimentale, nous les avions considĂ©rĂ©es et un milliard de fois crues, Ă tel point que dans la finalitĂ© nous ne savions plus maĂźtriser la contrefaçon du vĂ©ritable. Mâaffectionnait-il davantage? Avait-il de vrais corps-Ă -corps romanesques encore pour moi ? Sainte MĂšre de Dieu, nous regardions comme au dĂ©but, de la mĂȘme maniĂšre quâau jour oĂč lui et moi nous ne nous mentions pas. Admirons lâange derriĂšre le dĂ©mon, scrutons lâenfant dans lâombre de lâadulte, moi je lâaime et je suis au fait que je ne me leurre pas. En Ă©tant pragmatiques, nous nâavions que des authenticitĂ©s.
Mais la vĂ©racitĂ© est impossible Ă examiner sans avoir les rĂ©tines brĂ»lĂ©es par une inavouable banalitĂ© des existences. DĂšs lors lui et moi nous avons dĂ©cidĂ© de nous mentir une derniĂšre fois, car le mensonge Ă©tait devenu une rĂ©alitĂ©. PuisquâĂ force de dĂ©clarer que nous nous adorions⊠nous avons rĂ©ussi par nous affectionner, Ă grand renfort dâannonces oĂč nous disions que nous Ă©tions les plus forts. Aussi triste que cela puisse paraĂźtre le monde finit par accepter les faits? Mais au fond lui et moi savions que nous nâĂ©tions rien parmi des bricoles. Nous Ă©tions des falsificateurs dans lesquels nous pouvions Ă©voluer. Mais quand on a tout, nous ne possĂ©dons rien.
On fabulait aux yeux de tous avec pour seule vision notre regard qui se perdait un peu plus chaque jour. Ultime mensonge pour une objectivitĂ©, nous concluions par nous promettre, « à jamais nous ne rĂȘverions dâun futur ensemble, Ă toujours nous retournerions dans le cauchemar de la vĂ©ritĂ© imparable tant elle est glissante et irrĂ©parable ». « Je ne tâaime plus », sera ma derniĂšre phrase, ma terminale imposture, ma suprĂȘme faussetĂ©. Fuis-moi, car je suis celui que tu ne seras pas, cours de mille-et-un pas pour quâĂ jamais toi et moi nous ne puissions nous retrouver. Je tâidolĂątre, mais nos irrĂ©alitĂ©s ont fini par nous rattraper. Je tâadorais, mais je ne sais plus si cela Ă©tait une vĂ©ritĂ© ou un mensonge que je me suis fabriquĂ© avec des fondations que tu mâavais menti avec jubilation Ă peine cachĂ©e.Â
En Ă©tant pratico-pratiques, nous nâavions que des vĂ©racitĂ©s, en Ă©tant dans lâimposture nous n’avons eu que des difficultĂ©s.Â
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