
CâĂ©tait lâart de la brutalitĂ© et lâĆuvre dâun amour sans rĂ©alitĂ©, nous Ă©tions un ballet de fĂ©rocitĂ© tout en nâĂ©tant quâune gambade de colĂšre et de fureur emplie dâirascibilitĂ©. JâĂ©tais le taureau, toi le torĂ©ador, ensemble nous gambadions sur la virulence et ces sĂ©vices, parfois, il y avait une contredanse de douceur calme et reposante, mais ensemble nous Ă©tions plutĂŽt dans un bolĂ©ro de torture et de dĂ©chaĂźnement. Tu avais un talent de rendre le moche⊠beau, la laideur⊠exceptionnelle et lâanĂ©antissement⊠passionnant. Ton talent de corps Ă©tait sans demi-mesure, il m’a souvent plu de dire que tu Ă©tais un gĂ©nie des hĂ©moglobines, un industriel de lâaversion, mais surtout un architecte de mes ruines. Jâaurais pu faire autrement, choisir une autre danse, peut-ĂȘtre un peu plus classique, mais je ne savais pas danser, tu Ă©tais mon maĂźtre, mon professeur, celui qui instruit lâidiot, qui enseigne au stupide et qui Ă©tait le maĂźtre sans ĂȘtre pĂ©dagogue du pauvre dâesprit que jâĂ©tais. Je tâaimais pour cela peut-ĂȘtre, pour ton intelligence, ta conception du monde, ton entendement abstrait de lâintuition des pensĂ©es, mais surtout pour ta maĂźtrise de lâesprit et de lâĂąme que tu discernais dans mon incapacitĂ© Ă ĂȘtre ou ne pas ĂȘtre. Je tâidolĂątrais, jâĂ©tais fou de ton habilitĂ© et de ton adresse sans artifice, je te vĂ©nĂ©rais pour ta dextĂ©ritĂ© Ă mâĂ©mailler tout en me gravant comme un joaillier.
Tu Ă©tais un Ă©bĂ©niste et un pyromane, jâĂ©tais ton olivier et ton Ă©tincelle, la tentation Ă©tait trop grande, lâidĂ©e trop brĂ»lante sur tes doigts.
CâĂ©tait lâart de la brutalitĂ© et lâĆuvre dâun amour sans rĂ©alitĂ©. Nous Ă©tions un tableau peint avec de la fiĂšvre, une croĂ»te acharnĂ©e par la furie de ta frĂ©nĂ©sie. Nous Ă©tions un ballet de fĂ©rocitĂ© photographiĂ© sans technicitĂ©, mais avec bestialitĂ©. Tu avais un talent de rendre le moche⊠beau, la laideur⊠exceptionnelle et lâanĂ©antissement⊠passionnant. Mais ta fresque de sentiments ne mâa plus suffi, alors avec mon sang, jâai dessinĂ© une esquisse dâune vie sans toi, jâai choisi le coloris, je ne voulais plus de bleu, plus de violet, plus de noir. Jâai pris mon sac et mes pinceaux pour dessiner en couleur avec de la gouache lâavenir que je voulais sans angoisse. Tu auras Ă©tĂ© le premier essai, celui que lâon recouvre avec un paysage pour cacher le gĂąchis, mais je le sais aujourdâhui que ma technique est plus dĂ©trempĂ©e, mon futur sera une aquarelle de splendeur peinte en pastel dâharmonie fine et subtile.
Jâaurais pu tâaimer encore dix annĂ©es, mais pour cela, il fallait que tu me protĂšges plutĂŽt que tu danses avec tes poings sur mon visage mal dessinĂ©.
