
– Vous avez le droit Ă un seul cadeau, que personne ne peut vous refuser. Quel est-il ?
– Pourriez-vous mâoffrir la mort ?
– Ătes-vous sĂ»r ? Câest une chose irrĂ©mĂ©diable.
– Jâen suis sur. Câest la vie qui est irrĂ©mĂ©diable, pas la mort ; la mort est une solution, une finalitĂ© que lâon attend, du jour oĂč lâon se met Ă penser et Ă comprendre le fondement de la vie, qui est celui-lĂ mĂȘme de la mort.
Je souhaite mourir, car je pense avoir fait le tour de la vie, du moins ce quâil y a Ă voir. Je ne souhaite pas continuer, je suis trop idĂ©aliste dans un monde de pessimistes, je suis trop heureux dans un monde malheureux, Ă regarder quand on souhaite ne pas ĂȘtre peureux.
Jâai souvent pensĂ© que les choses allaient s’arranger, mais nous nâallons pas nous mentir, je suis quelquâun de triste de naissance, triste dâĂȘtre nĂ© sous une telle errance des sentiments.
Longtemps jâai cru ĂȘtre le reflet dâune gĂ©nĂ©ration, mais je ne suis que le reflet de ma passion pour une irrĂ©vĂ©rence passionnelle de la dĂ©rision.
Je souhaite mourir car je nâai jamais vĂ©cu, je souhaite en finir mais en le faisant avec spĂ©culation et idĂ©es tordues qui me feraient rire.
Je veux ma mort en pleine souffrance, je désire devenir un cadavre en pleine putréfaction, je souhaite que ce moment soit éprouvant sans instance, je convoite une disparition pleine de tortures, récupérée des plus grandes fictions.
Rien qu’Ă mâentendre le dire, je sens dĂ©jĂ le goĂ»t du sang dans ma bouche. Jâimagine un homme dâune cinquantaine dâannĂ©es me prendre par le cou, me tenir comme si sa vie en valait le coup. Je vois dans son regard quâil va mâachever comme lâon tuerait un petit poulet pour le dĂ©jeuner, avec une famille bien sous tous rapports, exactement comme celle que je nâai jamais eue et que je nâaurai jamais.
L’hĂ©moglobine coule, au premier coup de couteau, il transperce mon ventre, dieu que câest plaisant, dieu que câest jouissif, dieu que je me sens plus proche des cieux.
Jâattends de ma condamnation quâelle soit pleine de dĂ©solation, jâambitionne dâĂȘtre un macchabĂ©e impossible Ă regarder, jâespĂšre tellement vivre une Ă©preuve martyrisante.
Il nây aura plus que mon plasma sur les draps pour prouver que jâĂ©tais bel et bien lĂ .
Oui, je vous en supplie dans la plus grande supplication, que ma condamnation soit Ă©reintante dâexĂ©cution.
Jâaspire Ă ĂȘtre une charogne mĂ©connaissable.
Donnez-moi une disparition destructive, qui dans un moment prouvera au fossoyeur que dans la plus profonde des gloires, je serai empli de bonheur.
Empli du bonheur dâavoir vĂ©cu, de m’ĂȘtre senti en vie au moment de ma mise en terre, car la douleur aura rĂ©veillĂ© en moi le plaisir simple de vivre tel que je devais mourir.
En effet, jâaurai choisi ma mort avec tardivetĂ©, mais je lâaurai fait faute dâavoir eu une mĂšre suffisamment forte pour mâavorter.
Cette vie je la dĂ©die Ă elle, ma mort je la dĂ©die Ă lui, Ă eux deux ils sont lâabsence et la prĂ©sence, ils sont la haine et lâamour, la gloire et la perte, la vie et la mort, mais ils ne seront jamais le bonheur sans le malheur.
