19H49

– Vous avez le droit Ă  un seul cadeau, que personne ne peut vous refuser. Quel est-il ? 

– Pourriez-vous m’offrir la mort ?

– Êtes-vous sĂ»r ? C’est une chose irrĂ©mĂ©diable.

– J’en suis sur. C’est la vie qui est irrĂ©mĂ©diable, pas la mort ; la mort est une solution, une finalitĂ© que l’on attend, du jour oĂč l’on se met Ă  penser et Ă  comprendre le fondement de la vie, qui est celui-lĂ  mĂȘme de la mort. 

Je souhaite mourir, car je pense avoir fait le tour de la vie, du moins ce qu’il y a Ă  voir. Je ne souhaite pas continuer, je suis trop idĂ©aliste dans un monde de pessimistes, je suis trop heureux dans un monde malheureux, Ă  regarder quand on souhaite ne pas ĂȘtre peureux. 

J’ai souvent pensĂ© que les choses allaient s’arranger, mais nous n’allons pas nous mentir, je suis quelqu’un de triste de naissance, triste d’ĂȘtre nĂ© sous une telle errance des sentiments. 

Longtemps j’ai cru ĂȘtre le reflet d’une gĂ©nĂ©ration, mais je ne suis que le reflet de ma passion pour une irrĂ©vĂ©rence passionnelle de la dĂ©rision.

Je souhaite mourir car je n’ai jamais vĂ©cu, je souhaite en finir mais en le faisant avec spĂ©culation et idĂ©es tordues qui me feraient rire. 

Je veux ma mort en pleine souffrance, je dĂ©sire devenir un cadavre en pleine putrĂ©faction, je souhaite que ce moment soit Ă©prouvant sans instance, je convoite une disparition pleine de tortures, rĂ©cupĂ©rĂ©e des plus grandes fictions. 

Rien qu’Ă  m’entendre le dire, je sens dĂ©jĂ  le goĂ»t du sang dans ma bouche. J’imagine un homme d’une cinquantaine d’annĂ©es me prendre par le cou, me tenir comme si sa vie en valait le coup. Je vois dans son regard qu’il va m’achever comme l’on tuerait un petit poulet pour le dĂ©jeuner, avec une famille bien sous tous rapports, exactement comme celle que je n’ai jamais eue et que je n’aurai jamais. 

L’hĂ©moglobine coule, au premier coup de couteau, il transperce mon ventre, dieu que c’est plaisant, dieu que c’est jouissif, dieu que je me sens plus proche des cieux. 

J’attends de ma condamnation qu’elle soit pleine de dĂ©solation, j’ambitionne d’ĂȘtre un macchabĂ©e impossible Ă  regarder, j’espĂšre tellement vivre une Ă©preuve martyrisante. 

Il n’y aura plus que mon plasma sur les draps pour prouver que j’étais bel et bien lĂ . 

Oui, je vous en supplie dans la plus grande supplication, que ma condamnation soit Ă©reintante d’exĂ©cution. 

J’aspire Ă  ĂȘtre une charogne mĂ©connaissable. 

Donnez-moi une disparition destructive, qui dans un moment prouvera au fossoyeur que dans la plus profonde des gloires, je serai empli de bonheur.

Empli du bonheur d’avoir vĂ©cu, de m’ĂȘtre senti en vie au moment de ma mise en terre, car la douleur aura rĂ©veillĂ© en moi le plaisir simple de vivre tel que je devais mourir.

En effet, j’aurai choisi ma mort avec tardivetĂ©,  mais je l’aurai fait faute d’avoir eu une mĂšre suffisamment forte pour m’avorter. 

Cette vie je la dĂ©die Ă  elle, ma mort je la dĂ©die Ă  lui, Ă  eux deux ils sont l’absence et la prĂ©sence, ils sont la haine et l’amour, la gloire et la perte, la vie et la mort, mais ils ne seront jamais le bonheur sans le malheur. 

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icÎne pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez Ă  l’aide de votre compte WordPress.com. DĂ©connexion /  Changer )

Photo Google

Vous commentez Ă  l’aide de votre compte Google. DĂ©connexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez Ă  l’aide de votre compte Twitter. DĂ©connexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez Ă  l’aide de votre compte Facebook. DĂ©connexion /  Changer )

Connexion Ă  %s